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6 novembre 2013

L'entretien professionnel ou le grand désert de Karakoum

Ce jour là, comme d'habitude pour ce genre de circonstance, je me suis apprêtée et me voilà  presque tirée à quatre épingles, à un détail près cependant, pas toujours le même d'ailleurs...Ce petit détail peut être plein de choses : 1 sac à main bariolé, 1 accessoire de cheveux, 1 stylo customisé, 1 gris-gris dans ma poche, un truc qui, pour moi fait la différence, quelque chose qui résiste et qui me rassure sur le fait que je ne suis pas prête à perdre mon identité pour un job.

Bref, j'ai fais de mon mieux pour donner l'image d'une nana présentable, à l'élégance discrète, qui inspire confiance et à qui on a envie de confier un tel poste. Je me glisse dans l'état d'esprit de cette attachée  administrative, et j'entreprends de me rendre à cet entretien à pied, j'en aurai pour une vingtaine de minutes. Je répète mes classiques inspirés de la méthode Coué : "Je me sens en harmonie avec moi-même" ou "j'ai confiance en mes capacités"et encore "je m'exprime clairement, mes pensées s'ordonnent et je reste zen", en respirant profondément et en me visualisant sortant du bureau, avec un sourire béat sur les lèvres, illuminée de sérénité après cet entretien.

Soudain, au beau milieu d'une de ces affirmations magiques, insidieusement et sans y avoir été invitée, se profile une pensée... Une pensée parasite, qui insinue, suggère, l'air de ne pas y toucher, et ébranle le château de sable, elle commence doucement, en feignant l'innocence : " As-tu pensé aux ficelles des recruteurs ? Ils ont des tests infaillibles pour savoir à qui ils ont affaire ". Ah oui ? Et comment ? L'écriture peut-être comme révélatrice de nos travers ? Mais non, plus personne n'écrit manuellement, c'est devenu caduque. Je chasse donc la pensée inappropriée !
Mais celle ci revient à la charge, la  maligne ricane, mielleuse : tu crois qu'un recruteur ne verra pas en toi la procrastinatrice patentée ? Méfies toi des questions en apparence anodines qui sont des pièges tendus éprouvés par ces pros de la détection de mensonges. Il saura déceler que tu es une désordonnée chronique qui n'assume pas. Crois tu vraiment être capable d'évoluer longtemps dans le tailleur ajusté de la secrétaire de direction, sans que celui ci ne se fissure progressivement jusqu'à se déchirer sous les sursauts de ta nature impulsive ?
La vache, elle commence à entamer ma confiance ! Les premières gouttes de sueur perlent sur mon front, zut pour une fois que j'ai mis du fond de teint ! Je tente de me ressaisir et de trouver dans l'écheveau de mes pensées embrouillées, une de ces pensées magiques destinée à me soutenir dans pareille entreprise. Je n'arrive pas à me concentrer et ma recherche s'avère vaine, aussi je fabrique dans l'urgence une nouvelle pensée magique, élémentaire : "Tout ira pour le mieux" que j'arrive à réciter machinalement, mais qui ne parvient pas à apaiser les signes annonciateurs de panique. A ce stade je ne maîtrise plus grand chose : les pensées malfaisantes font voler en éclat les pensées positives qui finissent par se retrancher : "Crois tu vraiment que tu es faite pour un tel job toi qui es brouillon, qui vis dans l'instant présent, pire qui es en proie à un système de pensée compliqué, tu le sais bien que tu finis par perdre le fils dans le diagramme de toutes ces pensées qui s'enchaînent, tu n'es pas rationnelle pour un sou."
Le KO n'est pas loin, je m'arrête... j'éponge mon visage ruisselant de sueur et de fond de teint. Prévoyante, j'ai plusieurs paquets de mouchoirs dans mon sac bariolé. Et la prévoyance, c'est plutôt une qualité utile, non ? Je tente la respiration par le ventre sans succès, tout se brouille, pourquoi ai-je postulé au fait ? Parce que j'ai besoin de travailler me semble une raison valable. Je réponds à plein d'annonce, alors si je vais à cet entretien aujourd'hui c'est parce que pour une fois on m'a répondu,
ce qui signifie en gros que je les intéresse au moins un tout petit peu, allez on va dire que j'ai une chance sur cent ! Je me sens bête avec mes mains moites, mon coeur qui s'emballe, j'ai envie de pleurer. Et là c'est une une toute simple pensée magique qui contre toute attente, vient me secourir : "Tu n'as rien à perdre, ça n'a pas d'importance." Et là, l'ébullition se calme, je lâche prise, ahhh le lâcher prise !!! l'esprit zen, la béatitude, les doigts de pieds en éventail, le geste fluide, manifestement ce n'est pas pour moi encore, j'ai beaucoup à apprendre...
J'arrive devant le bureau sans plus savoir ce que je fais là, les pistes me semblent irrémédiablement brouillées. Le recruteur m'indique un siège, je prends place en face de lui, je parviens à lui offrir un sourire crispé et à bégayer quelques réponses stéréotypées. C'est le grand trou, je suis dans l immensité désertique de Karakoum. Il ne verra pas mon bouillonnement intérieur, il ne saura pas que je procrastine, mais que je suis capable de soulever des montagnes lorsque je suis motivée, il ne saura pas que j'ai un arbre à pensées dans ma tête ni d'ailleurs que j'ai mangé du porridge au petit déjeuner. Il ne saura rien de tout ça, il verra juste une image, celle d'une personne maladroite, terriblement timide, coincée, peut être un peu stupide, il aura un peu de peine pour moi, et baissera les yeux pour ne pas me mettre mal à l'aise lorsque je bégayerai. Il aura fait une erreur en me convoquant.
Et finalement ma visualistion aura fonctionné, car  soulagée de ne pas avoir à bosser dans ce type de société, je sortirai du bureau avec un sourire béat et illuminée de sérénité !

8 octobre 2013

L'adieu au tabac

Mue par un élan ô combien prometteur, je m'élance comme au premier matin du monde, pour un jogging en pleine cambrousse, et je ne puis m'empêcher au retours, de m'arrêter de fleurette en fleurette,  et les effleurer de mon blase pour humer leur délicat parfum... 
Cette course bucolique effrénée où je m'élance cheveux au vent, nez en avant, précède une visite gourmande au "Macaron doré", mon salon de thé préféré, et j'y commande, devinez quoi ? Et bien non... pas l'habituel café, mais  un royal chocolat viennois surmonté d'une mousse onctueuse s'il vous plaît, dont l'exquise saveur va venir chatouiller mes narines en cours de réjuvénation. Et puisque j'y suis, je me laisserais volontiers tenter par une de ces pâtisseries faussement aériennes... Mais non, la raison est  plus forte et je renonce...Je ferme les yeux pour mieux laisser mes papilles s'imprégner de ces effluves nirvanesques, et je savoure en toute simplicité ce moment de pure extase. Ah tous ces goûts de l'enfance, ces parfums de pain d'épice,de cannelle, de brioches, l'odeur de la terre humide en allant à l'école...
Oui... Respirons à plein poumons et répétons nous,  nouveaux ex-fumeurs, combien il est bon de ne plus sentir le tabac et de se débarrasser de son goût âcre, et combien les choses habituelles retrouvent alors une couleur nouvelle...
Fière de ces quatre semaines de victoire, je décide ensuite de me récompenser motiver encore, en passant par le "Monoprix" pour m'offrir quelques babioles avec les économies réalisées : laits parfumés pour le corps, gels douches, baumes aux noms gourmands évocateurs de plaisirs des sens, là encore le nez si longtemps maltraité est à l'honneur : figues de barbarie, fruits rouges glacés, mangues tropicales, pains d'épices, coco givrée, abricots et autres melons de pays lointains, je n'ai que l'embarras du choix, car tout vaut mieux que l'odeur peu séduisante d'un tabac froid...Encore quelques bonbons crémeux au caramel  soutenus par un assortiment de chewing gums en cas de situations critiques, puis un petit tours à ma toute nouvelle boutique préférée, celle des thés épicés et parfumés, et me voilà armée pour consolider mon divorce d'avec le tabac . Un des moyens mis en oeuvre étant, vous l'aurez compris, de miser à fond sur les sens olfactifs et gustatifs, les belles couleurs, et de visualiser la clope comme une tige puante et grise. Pour l'instant ça a l'air fonctionner...Et je me dis :
Cette fois sera la bonne, car je veux continuer ma ballade romantico-champêtre qui n'était au début qu'une mise en scène, boire de l'eau toute la journée, et m'étonner le soir du bon goût d'un verre de vin sans clope à l'apéro, m'en resservir un 2ème parce qu' on ne peut tout de même pas se priver de tout, alors parfois dans la foulée, je m'en sers derechef un petit 3ème, pour oublier que ça fait encore tout drôle de n'occuper qu'une seule main (celle qui tient le verre), et aussi pour m'habituer à ce que le temps s'écoule désormais d'une seule traite, sans pauses cigarettes (qui de toutes façons ne sentent pas bon, et donnent une haleine de fennec ).
Non, quand on arrête de fumer tout ne se passe pas comme dans un tableau idyllique,  mais je vous assure qu'à part les rêves de manque la nuit, l'appel de la nicotine au début, accompagné d'une curieuse  sensation d'être déboussolée, mêlée à l'euphorie  de se dépasser, et bien qu'affublée de nouvelles manies destinées à compenser cette inexprimable impression de marcher dans le vide sans béquilles, tout va. La preuve : j'ai commencé deux collections : les gels douches et les thés parfumés, tout va donc très bien !